Vers des solutions de désherbage économes en produits phytosanitaires : les résultats du Challenge ROSE

En maraîchage et dans les cultures à large écartement (maïs, tournesol, …), le désherbage entre les rangs des mauvaises herbes ou adventices est souvent effectué via des techniques mécaniques à l’aide de herses ou de bineuses, tandis que le désherbage entre les plants d’un même rang (intra-rang) reste dépendant des pesticides dont l’impact sanitaire et environnemental est aujourd’hui fortement questionné. Il y a donc un enjeu à mobiliser la robotique pour des pratiques agricoles plus durables.

Un challenge précurseur dans le domaine du vivant, axé sur la « coopétition »

Instrument de financement spécifique de l’ANR, le challenge permet de soutenir simultanément plusieurs équipes de recherche autour d’une même problématique avec des approches différentes, et de tester et confronter les solutions technologiques dans le cadre de campagnes d’évaluation. Il encourage les partenariats entre des acteurs académiques et industriels, ainsi que l’implication d’utilisateurs finaux en vue d’encourager le développement d’outils opérationnels et leur acceptabilité.

Cette forme de « coopétition », contraction des termes compétition et coopération, présente des intérêts au regard de la diversité des pistes envisageables pour le désherbage sur le rang (détection des adventices ou des cultures comme cibles, action mécanique ou par choc électrique). A noter que ce challenge fut une première en matière de robotique agricole, impliquant un travail sur le vivant en conditions pédoclimatiques réelles et donc aléatoires, ce qui représentait un défi pour la répétabilité et la reproductibilité des évaluations.

Quatre campagnes d’évaluation ont été organisées par le LNE et INRAE sur des cultures de maïs et haricots à l’Agro Technopole de Montoldre, selon des protocoles et métriques définis en concertation avec les consortia.

Les solutions ont été évaluées sur leurs capacités à :  

Détecter des adventices et/ou des plantes d’intérêt à partir d’images ;
 Désherber les adventices identifiées par des marqueurs jaunes sans endommager les plantes identifiées par des marqueurs bleus (cf visuel ci-dessus) ; 
 Combiner les deux approches précédentes en désherbant les adventices sans endommager les cultures sur le rang complet.

Le projet BIPBIP, lauréat du Challenge ROSE

Lors du webinaire de clôture, Thierry Damerval, président-directeur général de l’ANR, a souligné la qualité de l’ensemble des travaux menés par les quatre équipes et a annoncé le lauréat du challenge désigné par le comité de pilotage.

Le projet BIPBIP associait cinq partenaires académiques et professionnels : les laboratoires IMS et LaBRI du CNRS, le CTIFL, l’entreprise ELATEC et les Fermes Larrère. Il a permis la mise au point d’un bloc-outil robotisé assisté par imagerie, destiné au binage mécanique dans le rang de cultures au stades les plus précoces. Il est compatible avec de multiples cultures et itinéraires techniques.

Cet outil est conçu pour être autonome, peu énergivore et embarqué sur tout type de porteur agricole (tracteur thermique ou électrique, traditionnel ou robotisé). Il est utilisable seul ou réplicable pour traiter plusieurs rangs simultanément et augmenter ainsi le débit de chantier.

Cette solution s’appuie sur un système de vision et des capacités de calcul embarqués pour détecter les cultures et localiser leur tige grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle (IA) préalablement entrainés sur des bases de données annotées. Les informations sont transmises à un système décisionnel contrôlant un dispositif mécanique de précision réalisant le binage des mauvaises herbes à une échelle centimétrique.

« Les essais ont validé la preuve de concept pour la détection et le binage en temps réel » souligne Jean-Pierre Da Costa, chercheur au laboratoire IMS et coordinateur du projet. L’intégration de cet outil dans une stratégie agronomique globale de gestion des adventices devrait permettre aux agriculteurs de traiter les stades les plus précoces de croissance des cultures. Des développements futurs restent toutefois nécessaires pour améliorer la précision et la rapidité de l’action afin d’atteindre des cadences de travail optimales. Ces travaux ont fait l’objet de plusieurs publications scientifiques internationales et d‘une thèse de doctorat. Ils ont également reçu la médaille d’argent du Concours SIVAL Innovation 2022 venant couronner le prototype développé.