« Faire de la science ouverte une pratique par défaut »

La science ouverte est devenue un enjeu majeur dans l’écosystème de la recherche. Sur quels principes fondamentaux repose-t-elle ?

Zoé Ancion : La science ouverte vise à promouvoir la diffusion sans entrave des produits de la recherche tels que les publications, les codes sources et les logiciels, et, autant que possible, les données de la recherche1. C’est un mouvement qui vise à faciliter l’accès au savoir pour les scientifiques mais également pour la société dans son ensemble. Une composante clé de cette démarche est la bibliodiversité, telle que définit dans l’Appel de Jussieu lancé en 2017. Cet appel met en avant l’idée d’un accès ouvert qui ne se limite pas aux modèles traditionnels comme le passage de l’abonnement aux frais de publication (APC) et souligne la nécessité d’une diversité de modèles et de voies de publication pour garantir que la diffusion des savoirs ne soit pas régie par un petit nombre d’acteurs. Cela inclut des approches alternatives comme le modèle diamant, où les auteurs comme les lecteurs n’ont pas de frais à payer, ou encore des modèles innovants tels que l’Open Peer Review permettant une évaluation ouverte et collaborative2. Promouvoir cette diversité est essentiel pour répondre aux besoins et pratiques variés des chercheurs et des chercheuses.

Comment l’ANR s’inscrit-elle dans cette dynamique ?

Z. A. : L’ANR est très activement engagée dans la science ouverte depuis ses débuts et contribue à son déploiement en France. Après l’adoption de la loi pour une république numérique en 2016, la France a lancé son premier Plan national pour la science ouverte en 2018. Ce plan a permis de structurer une politique concertée, rassemblant les institutions de recherche françaises autour d’un objectif commun. L’ANR a aussi participé à des initiatives européennes et internationales, comme la cOAlition S, lancée en 2018, visant à promouvoir un accès ouvert immédiat aux publications scientifiques. En 2021, notamment pour renforcer cette démarche, l’ANR a créé une direction dédiée à la stratégie numérique et aux données, pilotée par Martine Garnier-Rizet. L’objectif est de renforcer sa démarche d’analyse, d’ouverture et de partage des données scientifiques et administratives et de poursuivre le développement en faveur de la science ouverte. Plus récemment, en avril 2023, l’ANR a lancé un appel à manifestation d’intérêt pour explorer les pratiques et enjeux de la science ouverte, attirant une large mobilisation des communautés scientifiques. Cela a abouti en 2024 à un appel à projets, RESO, invitant les chercheurs à mener des recherches sur leurs  pratiques en contexte de science ouverte et à contribuer à la réflexion nationale et internationale sur ce sujet.

Le 15 janvier dernier marquait le lancement, à Madrid, de l’European Diamond Capacity Hub (EDCH), un centre de capacité et de ressources qui vise à coordonner et accroître les initiatives en faveur de l’accès ouvert diamant. L’ANR était présente, aux côtés d’OPERAS3, de Science Europe, de l’UNESCO et de la Commission européenne. Quel sera le rôle de l’EDCH dans le développement des publications en accès ouvert ? 

Z. A. : L’EDCH a été conçu pour promouvoir l’édition en accès ouvert diamant, un modèle équitable de publication scientifique qui ne facture pas de frais aux auteurs ni aux lecteurs. Ce modèle, soutenu principalement par des fonds publics, privilégie l’équité, la transparence, le multilinguisme en science et est piloté par les communautés de recherche. L’ambition de ce Hub est ainsi de mutualiser des ressources, des outils et des services, comme des formations ou des standards de qualité – à l’image du Diamond Open Access Standard – pour aider les initiatives Diamant à gagner en visibilité, en qualité, et en pérennité. L’objectif est de participer à la structuration d’un écosystème autour des publications en accès ouvert diamant et de promouvoir une dynamique collective européenne. Présente à Madrid, Claire Giry, Présidente-directrice générale de l’ANR a invité tous les acteurs de la recherche à soutenir l’EDCH et à participer ainsi au développement d’un paysage éditorial équitable, transparent, collaboratif, inclusif et piloté par les communautés de recherche pour assurer la diffusion de la connaissance en tant que bien commun.

Autre initiative annoncée à Madrid par la Commission européenne, la signature par des agences de financement et d’organismes de recherche d’une lettre d’intention afin de soutenir collectivement la plateforme de publication Open Research Europe (ORE). Quels sont ses objectifs et ses perspectives d’évolution ?

Z. A. : ORE est une plateforme innovante de publication basée sur une évaluation ouverte par les pairs. Actuellement réservée aux scientifiques financés par la Commission européenne, elle deviendra accessible à un plus grand nombre d’institutions, et de chercheurs et de chercheuses à partir de 2026. Cette transition vise notamment à aligner progressivement ORE sur les principes du modèle diamant tels qu’indiqués dans le « Plan d’action pour un modèle Diamant de l’accès ouvert ». Elle a pour ambition de proposer une manière de publier et de collaborer, en cohérence avec des principes d’équité et de transparence. L’appropriation par les communautés de recherche sera, là aussi, essentielle pour en faire une plateforme représentative et répondant à leurs besoins. Claire Giry a souligné à cette occasion que “l’ANR, aux côtés d’autres agences de financement et d’organisme de recherche, soutiendra également des initiatives innovantes en matière de publication, telles que Open Research Europe, afin de la positionner dans le paysage de l’accès ouvert diamant et d’assurer une diversité de voies de publication.”. Cette action de l’ANR s’inscrit ainsi dans le cadre du Plan national pour la science ouverte avec le soutien du Fond national pour la science ouverte.