Plongée au cœur de quatorze années de recherche sur la biodiversité amazonienne avec le laboratoire d’excellence (Labex) CEBA (Centre d’Etude de la Biodiversité Amazonienne)
Coordonné par Jérôme Chave, directeur de recherche au CNRS, le Labex CEBA est soutenu par l’Etat au titre de France 2030 à hauteur de près de 18 millions sur 15 ans et opéré par l’ANR. Il a pour partenaires académiques l’INRAE, l’Institut Pasteur, l’Institut Pasteur de la Guyane, le CIRAD, l’Université de Toulouse, l’IRD, l’Université des Antilles, AgroParisTech, l’Université de Montpellier et l’Université de la Guyane.
CEBA assemble 2 unités de recherche et 10 institutions d’enseignement supérieur et de recherche et environ 150 enseignants-chercheurs et chercheurs permanents. A travers des approches fondamentales à la recherche appliquée, le Labex vise approfondir les connaissances sur la biodiversité dans les écosystèmes tropicaux.
Pourquoi étudier la biodiversité amazonienne ? Parce que celle-ci, représentant 10 % de la biodiversité mondiale, se trouve mise à mal par les changements globaux et impacts d’origine anthropique (déforestation, expansion des surfaces agricoles et d’élevages de bétail, incendies, surpêche, extractions minières illégales, infrastructures de transports ou énergétiques inadaptées etc.). Les connaissances scientifiques sont essentielles pour informer les politiques et faciliter sa protection dans le futur.
« Poumon vert » de la planète, la forêt amazonienne, en plus de constituer le plus important puits de carbone au monde et de maintenir l’équilibre de cycles hydrologiques, rend par ailleurs d’inestimables et multiples services écosystémiques à une population de près de 34 millions de personnes.
Afin de mener ces travaux de suivi scientifique, CEBA s’appuie sur un ensemble d’infrastructures et d’équipements de pointe, dont un réseau de 14 sites forestiers suivis en permanence, un herbier de référence géré par l’IRD, des bases de données ouvertes, la station scientifique « Les Nouragues » basée au cœur de la forêt tropicale, ou encore le laboratoire de chimie et biologie moléculaire du campus de Montabo à Cayenne.
Les recherches conduites au sein du Labex, qui accueille chaque année des chercheurs internationaux de haut rang, ont notamment abouti à la publication de 163 articles scientifiques en 2024 et près de 1700 depuis son lancement en 2012. 232 projets ont par ailleurs été coordonnés depuis le lancement du Labex.
Des nouvelles de la biodiversité amazonienne…
Parmi les nombreux résultats rendus possibles par CEBA, les récents travaux des scientifiques ont mené à des avancées notables sur la compréhension de nombreuses lignées endémiques abritées au sein de la région des Pantepui. Au cours d’une expédition dans le massif de Neblina, deux nouvelles espèces de grenouilles non assignées à un genre connu ont ainsi été découvertes. Des analyses génétiques ont montré que ces taxa représentent des lignées uniques anciennes.
CEBA a déployé des méthodes pour estimer les densités de population de la faune forestière, notamment l’utilisation de pièges photo sur huit espèces terrestres. Une étude à ce sujet a été mise à disposition des gestionnaires d’espaces naturels.
Des techniques innovantes d’éco-acoustique ont également déployées, celles-ci offrant une alternative aux techniques traditionnelles de surveillance de la biodiversité par surveillance acoustique passive. Une méthode non-supervisée par apprentissage profond et le regroupement de sons d’oiseaux étiquetés manuellement a considérablement amélioré les performances, permettant l’identification de regroupements potentiels d’espèces non détectés à l’aide d’approches traditionnelles.
Des études sur l’écologie des écosystèmes tropicaux ont permis la compréhension de mécanismes évolutifs chez certaines espèces. L’analyse de la morphologie et de la bioactivité des venins de 15 espèces a notamment révélé que les fourmis piqueuses présentent deux stratégies distinctes, les espèces ayant évolué vers un venin exclusivement offensif, ou vers un venin multifonctionnel.
Concernant des enjeux de santé publique comme les maladies infectieuses émergentes ou ré-émergentes, les zoonoses, des travaux ont également porté sur des associations moustique-hôte, cruciales pour la compréhension de l’écologie et la surveillance des pathogènes. Une étude d’efficacité de traitement au Plasmodium falciparum, habituellement traité par une thérapie dihydroartémisinine-pipéraquine, a également été menée. Celle-ci a permis l’observation de marqueurs de résistances aux traitements à la pipéraquine auprès de patients infectés au Suriname et en Guyane. Ces résultats peuvent informer les décideurs locaux sur la pertinence du recours à ces thérapies auprès des populations locales.
Enfin, l’étude d’un gisement fossile de -120 000 avant notre ère conduite à Kourou, dans le chantier lié à Ariane 6 a permis de mettre au jour des informations essentielles sur le passé de la Guyane. L’assemblage de mollusques suggère des affinités plus fortes qu’aujourd’hui entre les eaux côtières guyanaises et caribéennes. Le pollen, les phytolithes et les charbons de bois attestent d’un retrait marin et de conditions plus sèches de 110 000 à 50 000 avant notre ère. Enfin, les charbons de bois du dernier millénaire suggèrent une présence humaine.
Dans son volet formation, CEBA a également contribué au soutien de formations d’enseignement supérieur de Guyane, en particulier le Master 2 écologie tropicale de l’Université de Guyane et à des formations équivalentes à Montpellier et Toulouse.
Pour Yves Coquet, responsable d’action à l’ANR, CEBA : « est exemplaire du concept de « laboratoire d’excellence », alliant recherche fondamentale au plus haut niveau international et diffusion des connaissances sur des enjeux de premier ordre pour l’avenir de la planète ».
A l’occasion des quatorze ans du Labex CEBA, nous vous invitons à découvrir une série de vidéos produites par le Labex sur les recherches menées. Au programme de cette série : diversification génétique des arbres tropicaux, forêts innovantes et constructions durables, microcosmes et écologie historique…
Diversification des arbres tropicaux, secrets génétiques des espèces made in Amazonia
En Guyane, un hectare de forêt abrite jusqu’à 200 espèces d’arbres. Au total, plus de 1800 ont été recensées. Comment ces espèces d’arbres ont-elles évolué ? Comment cohabitent-elles ? Grâce aux outils de l’écologie et de la génétique, les scientifiques du CEBA étudient ces forêts uniques d’Amazonie et contribuent à développer de meilleures pratiques de gestion pour préserver leur incroyable diversité.
