Protection du patrimoine : le Plan Local d’Urbanisme (PLU), un outil nécessaire et suffisant ? Focus sur le projet ANR PLU patrimonial

De l’analyse de l’expression « PLU patrimonial »

Le premier enjeu du projet fut de clarifier la notion de « PLU patrimonial », dépourvue de statut juridique, puis de caractériser ce qui peut être considéré comme tel. En effet, cet outil opérationnel n’est mentionné ni dans le Code de l’urbanisme, ni dans celui du patrimoine. Le Code de l’urbanisme impose aux collectivités d’intégrer la protection des patrimoines naturels et culturels comme thématique dans le PLU (document stratégique de planification territoriale) mais au même titre que la mobilité, l’habitat, l’énergie ou encore l’économie. Ce code ne précise pas le degré d’intégration des patrimoines ; dès lors il est possible pour une collectivité de n’intégrer que peu d’éléments. Il accorde à ces dernières une grande liberté méthodologique dans l’identification et la sélection des patrimoines locaux à intégrer, ainsi que dans l’ajustement du niveau de protection règlementaire offert par le PLU.

Dans l’objectif de mesurer tant le discours porté par la collectivité en matière de patrimoines (typologie, méthodologie, rapport du patrimoine au projet urbain), que le niveau de protection accordé au patrimoine retenu, l’équipe du projet ANR PLU patrimonial a analysé les dossiers PLU des 20 plus grandes villes de France, et de petites villes et villes moyennes (les terrains d’étude).

L’équipe, composée de chercheurs géographes, juristes, sociologues ou architectes, souligne la place croissante du patrimoine dans les documents du PLU (le rapport de présentation et le PADD) et les pièces annexes au sein desquelles figurent davantage des inventaires du patrimoine local. La sélection du patrimoine est effectuée selon le projet urbain de la collectivité et doit être explicitée dans le document de justification des choix du PLU. Bien qu’il n’existe pas de grille officielle pour la catégorisation du patrimoine, les documents du PLU distinguent généralement le patrimoine bâti, du patrimoine naturel, et les éléments individualisés ou isolés (arbres remarquables, bassins, chapelles, etc.), des ensembles dits homogènes (prairies, zones humides, ensembles de bâtiments, zones urbaines, etc.). Une forte diversité de définitions du patrimoine dans les dossiers PLU a été observée. Les typologies de patrimoine peuvent être construites par exemple selon le type d’usage, selon les valeurs historiques des édifices qui seront classés soit par périodes avec des découpages propres à chaque histoire des villes, soit par styles architecturaux.

Si cet outil offre une certaine souplesse aux collectivités, elles ont néanmoins une responsabilité patrimoniale. En effet, un juge administratif peut sanctionner les faiblesses méthodologiques en matière d’inventaire ou une trop faible protection du patrimoine local si les inventaires attestent de sa richesse.

A l’évaluation des niveaux de protection et des pratiques d’une communauté à l’autre
Le PLU propose des outils juridiques pour la protection du patrimoine local, allant « du droit dur au droit souple ». Les collectivités peuvent mobiliser des instruments dédiés tels que l’article L. 151-19 du Code de l’urbanisme qui permet de renforcer le contrôle sur les autorisations d’urbanisme par rapport au droit commun, et de poser des prescriptions sur les éléments patrimoniaux identifiés. Elles peuvent également recourir aux Orientations d’Aménagement et de Programmations (OAP), droit assez souple puisque les OAP ne s’imposent aux autorisations d’urbanisme (notamment les permis d’aménager) que dans un rapport de compatibilité. Des outils juridiques génériques : zonages, règlement, hauteurs, etc. sont également mobilisables. A noter qu’un PLU reste limité dans ce qu’il peut réglementer : il peut davantage interdire qu’il ne peut imposer.

L’équipe souligne une forte diversité de réglages réglementaires dans les PLU et peu de protections « dures » dans de nombreux PLU. L’ambition de la collectivité en matière de protection du patrimoine local peut varier selon la taille de la commune, les moyens disponibles (finances, ingénierie, partenariats), ou encore la volonté des élus. L’analyse a révélé une certaine homogénéité au sein des grandes villes, dotées des moyens financiers et de l’ingénierie territoriale nécessaire, et de fortes disparités dans les territoires moins denses. De cette diversité des PLU, en résultent des effets inégalitaires pour les habitants dont les patrimoines locaux peuvent être protégés dans une commune et non dans la voisine, malgré la présence de patrimoines dans les deux.

Dans un contexte de montée en puissance des intercommunalités, des transformations méthodologiques dans la désignation de ce qui fait patrimoine sont d’ores et déjà observables. En effet, le PLU intercommunal (PLUi) implique d’appréhender les patrimoines à l’échelle de toute l’intercommunalité ; aussi, ce qui faisait patrimoine à l’échelle d’une commune peut ne plus l’être à une échelle plus large.

Vers une typologie des fonctions des PLU patrimoniaux

Le PLU patrimonial permet de prendre en compte des éléments patrimoniaux non protégés par les instruments exis¬tants (du monument historique aux éléments identi¬fiés au sein d’un site patrimonial remarquable – SPR), tels que des bâtiments plus récents, des éléments du petit patrimoine, du patrimoine végétal ou industriel par exemple. Il peut remplir différentes fonctions par rapport aux outils dédiés de protection du patrimoine :

Il peut être complémentaire aux outils dédiés : le PLU permet de ceinturer un espace protégé, souvent un SPR, par une « zone tampon » sur des patrimoines complémentaires ou de second rang ;
 Précurseur d’un outil plus fort : un PLU patrimonial peut préfigurer la mise en place d’un outil dédié comme le SPR, répondant notamment à une demande citoyenne de reconnaître un patrimoine jusqu’alors ignoré mais qui a émergé pendant la procédure d’élaboration du PLU ;
 Concurrent d’un outil existant : lorsque le PLU communal ou intercommunal tient compte du patrimoine en lieu et place des outils dédiés et principalement actionnés par l’État. En confiant la protection des patrimoines protégés au PLU, la commune contient (ou refuse) l’État sur son territoire ;
 « Décodeur » des outils de protection dépourvus de règlement : si la collectivité souhaite donner une lisibilité réglementaire à un site classé ou un périmètre monument historique qui ne bénéficie pas d’un appui réglementaire mais d’une procédure. Le PLU patrimonial peut être un support juridique de médiation sans remplacer pour autant la procédure d’accord de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF).

Des résultats en appui aux acteurs du territoire

Afin d’assurer la diffusion des principaux résultats du projet, et de fournir des éclairages utiles pour l’action des collectivités et des acteurs associés en matière de gestion et de protection des patrimoines, l’équipe a participé à la réalisation d’un documentaire complété par 23 capsules vidéos et une série d’entretiens disponibles sur la chaîne Canal-U. Elle a également conçu un livret dédié et une synthèse des principaux résultats pour contribuer à une meilleure compréhension des méthodes d’identification du patrimoine dans les PLU, des outils de protection offerts et des apports d’un PLU patrimonial pour la protection du patrimoine local.

Plus récemment, grâce à un financement complémentaire apporté par la communauté urbaine Angers Loire Métropole, l’équipe a mis au point une seconde version du serious game « La ville sous cloche ? » développé dans le cadre du projet. Destiné à un usage ludique en atelier de concertation ou de participation citoyenne lors de l’élaboration des documents d’urbanisme ou de certains outils patrimoniaux, ce jeu vise à informer et sensibiliser les habitants à la réglementation en la matière.