15e édition du Workshop Interdisciplinaire sur la Sécurité Globale : la résilience face aux nouvelles menaces

Vous avez accompagné la mise en place du premier Workshop Interdisciplinaire sur la Sécurité Globale, reconduit cette année pour sa 15e édition. Dans quel contexte a-t-il été créé ?

Patrick Laclémence :  Il faudrait revenir en Angleterre dans les années 80. Le drame du Heysel, en 1985, a déclenché une stratégie globale de sécurité contre le « hooliganisme ». Les forces de sécurité vont employer tous les moyens, y compris technologiques : les premières installations des vidéosurveillances dans les stades ont été un tournant pour l’aide à la décision. Au cours des années 2000 et plus précisément le 25 juillet 1995, nous avons été confrontés à de nouvelles formes d’actions violentes. Une bombe explose sur les quais de la gare St-Michel du RER B. Cet attentat, au cœur de Paris, déclenche une stratégie de lutte contre un « ennemi » très terrorisant. Pour la seconde fois le plan Vigipirate – pour vigilance et protection des installations contre les risques d’attentats terroriste à l’explosif – qui avait été lancé pour la toute première fois lors de la Guerre du Golfe le 2 janvier 1991, est mis en action. Depuis, Vigipirate n’a pas été suspendu, mais les niveaux d’alerte modulés – Sentinel aujourd’hui. À l’échelle internationale, les attentats du 11 septembre 2001 vont avoir le même effet catalyseur. C’est ainsi que le terrorisme nous amènera à la sécurité globale pour anticiper les nouvelles menaces et à agir, en développant un continuum entre recherche et action. En collaboration avec le Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN) depuis sa mise en place, le WISG rassemble ainsi des acteurs issus du monde académique, institutionnel et industriel autour d’un même défi : défendre nos libertés en les sécurisant. L’ambition est de croiser les regards, d’alimenter la recherche, et de renforcer les liens entre les acteurs de la communauté en sécurité globale en vue de développer de futurs consortiums.

La sécurité globale est donc une notion assez récente. Comment la définiriez-vous ?

Patrick Laclémence : Cybercriminalité, terrorisme, attaques chimiques ou biologiques, risques industriels et nucléaires, voire catastrophes naturelles : nous le voyons bien, dans un monde globalisé les crises et les menaces contemporaines sont en continuelle évolution. Elles dépassent largement les frontières nationales, et des vulnérabilités nouvelles apparaissent. Et plus de trente ans après la chute du Mur de Berlin, l’ère de l’hyper connexion nous amène à une très grande sensibilité humaine. C’est sur la base de ce constat que la question de la sécurité doit être abordée. De la prévention des risques et l’anticipation de la menace à la gestion des crises, la protection de la minute d’avant et d’après est au cœur de la régulation sociale des bassins de vie. De ce fait, la sécurité globale entend rassembler tous les acteurs autour de ce défi, le « continuum de sécurité ». C’est pour cela qu’au-delà de toutes les dimensions prises en compte, la sécurité globale est désormais inscrite dans un contexte plus large que celui de la continuité des activités : celui du développement durable, de la durabilité. Car s’il y a bien un risque global, c’est bien celui du changement climatique. Il nous impose cette approche. C’est un principe fondamental que nous pourrions développer lors des prochaines éditions. Il est donc nécessaire de faire preuve d’anticipation dans les scénarios et d’adapter les méthodes de protection pour garantir la sécurité d’aller et venir. L’objectif : construire un monde plus sûr qui n’est pas forcément certain. Je voudrais toutefois préciser que force est de constater que si les risques et les menaces évoluent très rapidement, nous ne pouvons pas les perdre de vue afin d’apporter les bonnes réponses. C’est peut-être là le défi pour la sécurité globale : s’adapter en permanence.

Cette année, au WISG, les projets de recherche s’articuleront autour d’un concept largement mobilisé ces dernières années : la résilience. Mais qu’entend-on par résilience en matière de sécurité globale ?

Patrick Laclémence : Dans le domaine de la défense et de la sécurité nationale, la notion de résilience est définie dans le Livre blanc de 2008 très exactement comme « la volonté et la capacité d’un pays, de la société et des pouvoirs publics à résister aux conséquences d’une agression ou d’une catastrophe majeure, puis à rétablir rapidement leur capacité de fonctionner normalement, ou à tout le moins dans un mode socialement acceptable. Elle concerne non seulement les pouvoirs publics, mais encore les acteurs économiques et la société civile tout entière ».  Autrement dit bien plus qu’une seule réponse adaptative, la résilience est la capacité d’une société, dans toutes ses strates, à répondre, rebondir, et revenir à un état « normal » suite à une crise de quelque nature qu’elle soit. L’exemple le plus récent est sans doute la pandémie mondiale liée au Covid-19, dont nous sortons tout juste de sa phase la plus critique et qui a touché tous les secteurs de la vie.

Justement, pourquoi impliquer et faire adhérer l’ensemble des citoyens aux réponses à la crise ?

Patrick Laclémence : Si la stratégie en sécurité doit être globale, nous ne pouvons pas laisser aux seuls spécialistes et aux systèmes la protection de notre façon de « vivre ensemble ». La cause est commune. Elle va au-delà du défi lancé aux seuls décideurs et doit être partagée avec les citoyens. Au vu de l’actualité, la notion de résilience implique donc nécessairement l’adhésion de l’ensemble des acteurs à leur propre sécurité, particulièrement celle des citoyens et à l’échelle individuelle, pour que le retour à la normal se fasse le plus rapidement possible.