Ce que les recherches sur la Covid-19 nous ont appris

Il y a trois ans, le premier patient atteint de Covid-19 était déclaré en France. La communauté scientifique mondiale s’est mobilisée face à la gravité et à l’urgence de cette situation, confrontée à un triple défi : produire de nouvelles connaissances en urgence ; prendre en compte les évolutions et les incertitudes de la situation sanitaire ; et favoriser la diffusion des connaissances.

Le colloque « Covid-19 : Bilan et perspectives de recherche » a donné un aperçu de la diversité des projets qui ont été soutenus par l’ANR : 279 projets de recherche rassemblant près de 600 partenaires pour un montant total de 35,6 millions d’euros. Les différentes interventions ont également permis de faire le point sur ce que la pandémie de la Covid-19 nous a appris et d’ouvrir des perspectives de recherche pour affronter les futures pandémies.

La recherche française mobilisée sur tous les fronts

François Braun, ministre de la Santé et de la prévention, a ouvert la journée avec une référence aux deux idéogrammes chinois du mot « crise », l’un représentant le “danger”, l’autre l’“opportunité” : « la Covid-19 a ainsi été, dans un certain sens, un catalyseur, comme toutes les crises, pour notre recherche scientifique et médicale », « Notre pays a été parmi les premiers à mettre en place des actions de recherche ciblées pour mieux comprendre et mieux lutter contre le virus » a-t-il ajouté. « La France a compris qu’il fallait miser sur la recherche ». Le ministre a insisté sur « le caractère holistique de la recherche française sur la Covid-19 qui s’est intéressée à toutes les différentes facettes de la pandémie, dans une approche décloisonnée, One Health, une seule santé, qui doit maintenant s’appliquer à toutes nos actions ». Il a également salué un « progrès de la crise sanitaire, celui qui rapproche les sciences et la décision publique ». La mise en place du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (COVARS) « acte également cette volonté de coopération renforcée entre le savant et le politique ».

Thierry Damerval, PDG de l’ANR, a souligné les avancées de la recherche française et ses retombées en termes d’expertise. Il a également rappelé les grands objectifs qui ont guidé l’action de l’ANR afin de « couvrir largement les différentes et très nombreuses questions scientifiques et leur renouvellement régulier, touchant la biologie du virus et la physiopathologie de la maladie ; les mesures de protection, modélisation, épidémiologie ; les questions liées aux perceptions, comportements, croyances, confiance ; et les questions liées aux inégalités, à la cohésion sociale, à l’action publique ». Il a précisé que l’ANR avait continué, durant cette période, à soutenir tous les autres domaines de recherche « sur une base libre, non prescriptive » et que les financements mis en œuvre dans le cadre des appels à projets spécifiques pour soutenir d’urgence les recherches sur la Covid-19, n’ont pas conduit à écarter la recherche de plus long terme. L’ouverture et le partage des données scientifiques a été aussi l’un des engagements majeurs de l’Agence à travers la signature de l’appel du Wellcome trust « Sharing research date and findings relevant to the Covid-19 outbreak ».

« Les scientifiques ont œuvré sans relâche pour comprendre et lutter contre le SARS-CoV-2, dans l’urgence et sous tension » a renchéri Yazdan Yazdanpanah, directeur de l’ANRS l Maladies infectieuses émergentes, partenaire du colloque. Il a également souligné combien il était important que cette agence, dont le périmètre s’est étendu aux maladies infectieuses émergentes depuis 2021, travaille en coopération avec les autres financeurs de la recherche en France et au niveau international pour le bénéfice des chercheurs et de l’ensemble de la société. Il a salué la coopération déjà mise en place avec l’ANR qui permet une coordination des appels.

Une approche interdisciplinaire et holistique

Cette journée a montré que les projets financés par l’ANR couvrent un vaste champ, alliant les recherches fondamentales, la production de recommandations et les perspectives d’innovation* tout en mobilisant les différentes disciplines : sciences humaines et sociales, biologiques et médicales, physiques et chimiques, mathématiques et informatique. L’ANR a annoncé dès la fin février 2020 l’ouverture de sa première initiative en faveur du soutien à la recherche grâce à l’appel à projets Flash Covid**. De mars 2020 à avril 2021, une diversité d’outils de financement ont été mobilisés : fonds d’amorçage, financement rapide, projets de courte et de moyenne durées, appel à projets ouvert en continu, recherche-action ; ils ont permis une adaptation aux besoins des équipes de recherche. En proposant à la fois des questions précises et des thèmes plus génériques, les appels ont pu accompagner les dynamiques scientifiques dans leur diversité disciplinaire ou thématique, ainsi que l’émergence des questions (Covid long, apparition de variants, santé mentale…) au fur et à mesure du développement de l’épidémie.

Les interventions et les échanges lors des différentes sessions de cette journée se sont articulés autour de cinq grands thèmes (voir encadré). Ils ont ainsi mis en perspective des avancées significatives dans les sciences biologiques et médicales : sur le développement de modèles cellulaires et animaux permettant désormais de mieux appréhender les mécanismes de l’infection et son évolution, sur les facteurs de risques, mais aussi sur les mécanismes de réplication du virus dans la cellule, et les mécanismes de la réponse immunitaire. Des travaux sur l’élaboration de tests diagnostiques, sur la recherche de molécules antivirales s’appuyant sur le repositionnement de molécules, et sur l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques ont aussi été présentés. De plus, des résultats sur la modélisation de la dissémination du virus dans l’air à partir d’approches expérimentales et théoriques ont fait l’objet de présentations et de discussions. Plus largement, des échanges ont porté sur l’élaboration de modèle prédictifs ou de simulation de la propagation de l’épidémie, et de l’effet des mesures de préventions.

Ce colloque a aussi mis en évidence que la pandémie a été bien plus qu’une crise sanitaire, comme en témoignent le nombre et la diversité des projets soutenus en sciences humaines et sociales (23% des projets financés dans les appels à projets Covid-19) : l’étude des déterminants des représentations et des comportements face à l‘épidémie et aux mesures mises en place, l’impact des controverses sur la confiance et le rapport à la science, les effets en terme de renforcement des inégalités, de bien-être et de cohésion sociale, ou encore l’adaptation des pratiques mortuaires.