“Femmes et hommes de science dans l’AAPG 2015-2023”

Vous publiez aujourd’hui de nouvelles analyses sur les projets de recherche soutenus par l’ANR entre 2015 et 2023, pourquoi est-ce important pour une agence de financement ?

Laurence Guyard : Depuis 2017, l’agence s’est engagée à mettre en place des actions afin de contribuer à la lutte contre les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR). Cet engagement a été formalisé dans un plan d’action égalité publié en 2020 et reconnu à travers le label égalité de l’Afnor obtenu en 2023. La production d’analyses des données de dépôt et de sélection des projets figure parmi les actions inscrites au plan et l’agence s’y emploie depuis 2017. Ces analyses sont très importantes en ce qu’elles permettent d’identifier de potentiels biais de genre dans l’évaluation des projets ainsi que des actions correctives le cas échéant. Publier ces analyses est également essentiel car elles s’inscrivent pleinement dans notre démarche de transparence et qu’elles donnent à voir aux communautés scientifiques la réalité de leurs pratiques en termes de réponse aux appels à projets que lance l’ANR. Donner accès de façon factuelle à la réalité des pratiques différenciées pour les femmes et les hommes doit permettre aux scientifiques de renégocier au sein des équipes la répartition des responsabilités et notamment de la coordination des projets de recherche.

Quels sont les principaux résultats de cette toute dernière analyse ?

L. G. : On constate que le nombre de projets déposés à l’appel à projets générique est relativement stable entre 2015 et 2023 avec toutefois une tendance à la baisse amorcée à partir de l’édition 2022. En cohérence avec la réalité des effectifs dans l’ESR, on enregistre une proportion d’un tiers des projets déposés portés par des femmes contre deux tiers portés par des hommes et cette répartition est stable sur l’ensemble de la période avec toutefois une légère et progressive augmentation des projets portés par des femmes (29.3% en 2015 contre 34.5% en 2023).

Si cette augmentation se retrouve dans tous les instruments de financement, il est à noté qu’en 2023 c’est l’instrument JCJC qui est toujours le plus investi par les femmes (38.4% des projets déposés) et l’instrument PRME qui l’est le moins (26.6% des projets déposés).
Les différences entre les grands domaines scientifiques sont toujours importantes mais là encore en cohérence avec les effectifs de l’ESR. C’est sans surprise que c’est dans les sciences du numérique et des mathématiques que la proportion de projets portés par des femmes est la plus faible (17.6%) et dans les sciences humaines et sociales qu’elle est la plus importante (49.1%). 

En revanche que la coordination des projets déposés en biologie-santé soit assurée par des femmes pour seulement 37.6% des projets interroge au regard de la proportion de femmes parmi les effectifs dans ce domaine (en moyenne environ 66%).

De nouvelles données ont été intégrées dans cette nouvelle édition, que révèlent-elles ?

L. G. : En effet, pour cette nouvelle édition nous avons intégré des données sur l’évolution des taux de succès des femmes et des hommes sur l’ensemble de la période 2015 – 2023. Même si l’enjeu premier de ces analyses est pour l’ANR d’identifier de potentiels biais de genre dans l’évaluation des projets, nous n’avions pas jusqu’à présent publié ces visualisations. Ces représentations permettent de montrer que si le taux de succès des femmes reste légèrement inférieur à celui des hommes sur l’ensemble de la période, l’écart tend à se réduire pour atteindre l’équilibre en 2022.

Ce qui est intéressant c’est de constater que l’évolution des taux de succès est très différente selon les instruments de financement. En effet, l’évolution relative aux instruments JCJC et PRCE montre une grande variabilité sur l’ensemble de la période ce qui donne à penser que le genre n’est pas discriminant. En revanche, pour l’instrument PRC, le taux de succès des femmes reste inférieur à celui des hommes avec un écart de 4 points pour l’édition 2023 comme pour les éditions 2017 et 2021.

Que peut faire l’ANR pour aller plus loin ?

L. G. : Notre plan d’action égalité est arrivé à son terme en décembre 2023 et nous avons à cette occasion dressé le bilan des actions mises en œuvre. Si ce bilan s’avère plutôt positif,  pour autant,le sujet des inégalités est complexe et le contexte politique et social actuel le montre, les avancées ne doivent jamais être considérées comme des acquis définitifs. Pour cette raison, l’engagement de l’ANR sera renouvelé formellement dans un deuxième plan d’action en cours d’élaboration. L’enjeu est avant tout de pérenniser ce qui a été mis en place et faire en sorte que l’égalité fasse partie de l’identité de l’agence et soit l’affaire de tous et toutes. Si les comités d’évaluation sont de plus en plus vigilants sur la question de ces biais de genre, il nous faut poursuivre les actions de sensibilisation, de formation et de prévention. La production et la publication d’analyses sera renforcée, notamment en les déployant à l’ensemble des appels lancés par l’agence. Et puis, afin de susciter l’intérêt des femmes pour le dépôt de projet de recherche à l’ANR, nous poursuivrons et renforcerons nos actions de valorisation des femmes de science.

En savoir plus :

Téléchargez l’analyse 2015-2023

Le plan d’action de l’ANR pour l’égalité femmes-hommes et la prise en compte du genre 2020-2023

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