Le Belmont Forum : la durabilité face aux changements globaux

Qu’est-ce que le Belmont Forum et quels sont ses objectifs ?

Anne-Hélène Prieur Richard : Le Belmont Forum est un partenariat international qui réunit une trentaine d’organismes de financement de la recherche, auxquels s’ajoutent des conseils scientifiques internationaux, des ministères ou des consortiums régionaux. Il vise à accélérer la recherche en attirant et en mutualisant des ressources financières. Toutes les actions y sont transnationales, et doivent impliquer des membres provenant d’au moins trois pays différents.

Le Belmont Forum soutient spécifiquement la recherche sur les changements globaux et la science de la durabilité. Cela comprend bien entendu le changement climatique, mais aussi les changements sociaux et économiques qu’il provoque, ainsi que, par exemple, le changement causé par l’entrée dans l’ère digitale.

La transdisciplinarité y est particulièrement favorisée. Le Belmont Forum construit des ponts entre les disciplines, qu’elles soient issues des sciences naturelles, des sciences humaines et sociales, de la santé ou de l’ingénierie. Les partenaires non académiques ou porteurs d’enjeux sont également engagés dans les projets de recherche : structures privées, ONG, collectivités locales ou encore des agences de l’ONU.

Comment le Belmont Forum remplit-il ces missions ?

Anne-Hélène Prieur Richard : Grâce à sa gouvernance extrêmement flexible, le Belmont Forum lance régulièrement des appels à projets. Les agences se mettent d’accord sur la conduite de ces appels, puis mandatent des experts qui opèrent la sélection des projets en évitant tout conflit d’intérêts. Les projets sélectionnés sont soutenus pour une durée moyenne de 3 ans. Au total, 130 organismes, dont l’ANR, ont financé différents projets.

Quelle est l’implication de l’ANR dans le Belmont Forum ?

Anne-Hélène Prieur Richard : L’ANR joue un rôle très important depuis la fondation du forum, en 2009. Elle a été impliquée dans la gouvernance du Belmont Forum, qu’elle a co-présidé de 2012 à 2015 et dont elle a hébergé le secrétariat international de 2015 à 2018. Elle contribue toujours à sa gestion quotidienne, notamment au sein du comité de pilotage (Steering Committee).

Nous avons surtout participé à 15 des 17 appels à projets qui ont été menés par le forum. L’ANR a d’ailleurs coordonné plusieurs d’entre eux, sur des thématiques prisées de la communauté scientifique française. Nous agrégeons l’intérêt des autres membres du Belmont Forum, et également de partenaires non membres du Belmont Forum.

En plus de notre contribution au financement des projets, ce qui est la mission première de l’ANR, nous provoquons un effet de levier qui incite d’autres structures à apporter des fonds. Nous avons ainsi permis de financer soixante consortiums de recherche, sélectionnés grâce aux appels à projets, pour lesquels nous avons alloué 15,5 millions d’euros et fait appel d’air pour un total de 110 millions d’euros.

Sur ces soixante consortiums, 31 étaient coordonnés par des équipes françaises, ce qui est un bon signe quant à la capacité de nos chercheurs à prendre des positions de leadership dans des projets internationaux, ainsi qu’à répondre de manière pertinente et efficace à ces appels. Au total, 36 % des projets français ont été retenus, contre une moyenne mondiale de 24 %.

Au sein du Belmont Forum, l’ANR agit en étroite collaboration avec le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, et travaille avec différents partenaires, comme l’Alliance nationale de recherche pour l’environnement (AllEnvi), afin de structurer et de porter conjointement la recherche française en tant que précurseure dans les sciences du changement global et de la durabilité.

De quelle nature sont les projets financés par le Belmont Forum ?

Anne-Hélène Prieur Richard : Trois exemples relativement récents me semblent parlants.

CLIMAX, qui faisait partie d’un appel à projets de 2015, s’intéressait à la prédictibilité climatique en Amérique latine. Il s’agissait notamment d’améliorer la préparation et l’adaptation de l’agriculture familiale argentine au changement climatique. Ce projet a été marqué par trois grands succès. D’un point de vue purement scientifique, il a aidé à mieux comprendre la variabilité climatique régionale. CLIMAX a également permis de mettre en place un centre d’étude du climat pour le sud de l’Amérique latine, en mobilisant différentes agences météorologiques nationales. Enfin, il a renforcé l’implication des acteurs locaux et des porteurs d’enjeux dans la production de services climatiques pour les petits agriculteurs. Ces actions à différentes échelles répondent bien au mandat du Belmont Forum.

Dans notre premier appel à projets sur l’arctique, Pan-Arctic Options a étudié les nouvelles routes maritimes qui ont été ouvertes par la fonte des glaces. Les connaissances ont été acquises dans un objectif d’aide à la décision, incluant aussi bien les gouvernements locaux que les populations autochtones. Des cartes géospatialisées ont ainsi été produites, avec différents commentaires pour aider à ce que ces nouvelles voies navigables puissent s’ouvrir dans une optique de développement durable.

Enfin, le projet COAST, encore en cours, étudie la relation entre les impacts du changement climatique sur les zones côtières, et l’augmentation de l’activité humaine dans ces mêmes régions. Elles devront en effet s’adapter à la montée du niveau de la mer, et les chercheurs regardent comment cela va affecter les infrastructures côtières et les usages socio-économiques de ces zones.

Le Belmont Forum organise l’évènement SRI. De quoi s’agit-il ?

Anne-Hélène Prieur Richard : Ce congrès de la recherche et de l’innovation en durabilité est une initiative conjointe du Belmont Forum et du réseau international de recherche Future Earth. Depuis une dizaine d’années, des revues scientifiques se sont spécialisées dans les sciences de la durabilité, mais les chercheurs manquaient d’un congrès pleinement dédié à ces questions. Le SRI a été fondé pour y répondre. Une première édition était prévue pour 2020, mais a été annulée pour cause de pandémie. La première s’est ainsi tenue l’an dernier à Brisbane, mais essentiellement en ligne, sauf pour les chercheurs australiens déjà sur place. Cette année, le SRI se déroulera du 20 au 24 juin à Prétoria, en Afrique du Sud, dans un format hybride mêlant rencontres virtuelles et en présentiel.

L’objectif est de tisser des liens entre d’une part les chercheurs de différentes disciplines travaillant sur la science de la durabilité et d’autre part entre le monde académique et les porteurs d’enjeux socio-économiques. Les sessions offriront également l’opportunité de se former sur la transdisciplinarité et les sciences participatives. Les compétences et les savoirs acquis dans le cadre du Belmont Forum seront partagés afin d’engager la communauté sur des idées nouvelles. Ce sera aussi l’occasion de cadrer les prochains appels à projets, d’identifier leurs futures thématiques et regarder comment se déroulent les projets en cours.

Ces derniers font chacun l’objet de trois évènements au cours de leur vie, afin de diffuser leurs résultats aux autres projets du même appel. Nous allons regarder où en sont les projets issus de l’appel SEI (Science-driven e-infrastructure innovation, coordonné par la France et consacré à l’apport des sciences du numérique et des données pour le développement durable. Des projets sont ainsi consacrés à l’identification, grâce aux données, du point de basculement des écosystèmes, ou à l’établissement de bases de données d’images ouvertes pour le suivi des différentes espèces de planctons.
Nous espérons que le congrès SRI trouvera une audience la plus large possible. 2 000 participants sont attendus, aussi bien issus de la communauté scientifique que de la société civile.

Références

1 Climate services through knowledge co-production: a Euro-South American initiative for strengthening societal adaptation response to extreme events.
2 Holistic integration for arctic coastal-marine sustainability.
3 Coastal ocean sustainability in changing climate.

Propos recueillis par Martin Koppe

En savoir plus :

Le site internet du Belmont Forum

Le congrès SRI