Les grands fonds marins, nouvelle frontière du vivant
Un monde à part, étrange, méconnu, extrême : de quelle manière l’exploration des abysses et la découverte des sources hydrothermales profondes a bouleversé notre compréhension de l’océan profond ?
Marie-Anne Cambon : Si on se plongeait dans des livres d’école des années 1950, on y lirait encore qu’il n’y a pas de vie dans l’océan passé 200 mètres de profondeur. À l’échelle de l’histoire de la science, la découverte d’un monde possible dans les grands fonds, sans photosynthèse, est donc très récente.
C’est en 1977, lors d’une expédition en sous-marin au niveau de la dorsale des Galápagos pour vérifier la théorie de la tectonique des plaques, que des géologues ont découvert les premières sources hydrothermales profondes. Dans un environnement particulièrement hostile, toxique, rempli de fumée, ils ont observé avec stupéfaction l’existence de toute une communauté d’organismes vivants.
Cette date a complètement bouleversé le paradigme de la limite de la vie sur terre, à tel point que l’on peut parler de révolution culturelle, scientifique et biologique des concepts de vie et de possibilité de vie sur notre planète, et donc, par ricochet, sur d’autres planètes. Avec un peu d’eau, d’énergie, quelle que soit la forme énergétique, et des bactéries, la vie est là, elle est possible !
En effet, en l’absence de lumière et donc de photosynthèse, les producteurs primaires, qui sont normalement des plantes en surface, sont remplacés par des communautés microbiennes qui se développent grâce à l’énergie chimique des éléments contenus dans les fluides hydrothermaux, ce que l’on appelle chimiosynthèse microbienne.